La Folie et l’Absinthe

Au fil des Livres du Mois, je complète l’étagère de mes publications. Ce mois-ci, je vais vous parler de La Folie et l’Absinthe, une anthologie de nouvelles parue aux éditions Noir d’Absinthe et dans laquelle figure ma nouvelle « Manuel d’anthropologie botanique ».

Les éditions Noir d’Absinthe fêtent tout juste leur première année, et sont déjà suivies par un lectorat fidèle. Elles ouvrent les portes aux littératures de l’Imaginaire : fantastique, fantasy, science-fiction, mais aussi horreur et, depuis peu, érotisme (collection Rouge d’absinthe) et romance (collection Fleur d’absinthe). L’éditeur, Dorian Lake, est aussi écrivain de fantasy et de science-fiction.

Leur deuxième appel à nouvelles pour l’anthologie de l’an prochain est en cours actuellement. Le thème : NOIR (après Absinthe, on continue dans l’esprit de la maison ^^). Pour découvrir les contraintes de l’appel, c’est par ici. Il existe aussi un groupe Facebook sur lequel on peut poser des questions ou demander des conseils sur l’appel, chose que je n’ai pour l’instant vue que chez cet éditeur et que j’ai beaucoup appréciée lors de ma participation au précédent appel.

A présent, passons à ma chronique sur La Folie et l’Absinthe !

L’esprit de l’anthologie était de mettre à l’honneur l’absinthe, un alcool à base de la plante du même nom, surnommé la « fée verte » à cause de sa couleur. Il faisait fureur au XIXe siècle, mais a été interdit à cause de la folie qu’il pouvait provoquer chez ses consommateurs. En effet, le taux de thuyone que contenait l’absinthe était largement supérieur à la dose non-toxique et causait des hallucinations. Rappelons aussi que la consommation d’alcool était moins réglementée qu’aujourd’hui, et on voyait passer sur le marché nombre d’absinthes de mauvaise fabrication. Ce fait, allié à la consommation déraisonnable d’alcool, était la plupart du temps la raison pour laquelle de nombreux buveurs sont devenus fous.

Des artistes comme Baudelaire, Verlaine, Toulouse-Lautrec ou encore Van Gogh (de qui l’un des personnages de ma nouvelle tire l’initiale de son prénom) ont contribué à la réputation sulfureuse de l’absinthe.

Aujourd’hui, l’absinthe est à nouveau autorisée sur le marché, mais avec des taux de thuyone et d’alcool bien plus raisonnables.

Treize auteurs ont pris la Fée Verte pour muse et l’ont laissée leur dicter les histoires qui composent le sommaire de cette anthologie de l’Imaginaire :

Céline Chevet – Je plonge, tu plonges, nous plongeons

Résumé :

Stern est un plongeur, c’est-à-dire une personne qui se sert de l’absinthe (une drogue dans cette histoire) pour entrer dans l’esprit des détenus et modifier leurs souvenirs afin qu’ils ne commettent pas de crime et puissent être relâchés. Un jour, il reçoit un « client » pas comme les autres.

Mon avis :

Une plongée dans la part sombre de l’humain. L’histoire est assez dérangeante, ce qui m’a beaucoup plu. Où se situe la limite entre l’esprit du criminel et celui du plongeur ? Difficile de ne pas perdre pied. Le vocabulaire utilisé est cru, j’aime bien les descriptions réalistes J’adore aussi les histoires de mystère. Les petits détails à priori insignifiants mais qui gênent et laissent l’affaire avec un goût de non-élucidé J’ai aussi beaucoup aimé comment, subtilement, la frontière entre délire hallucinatoire et réalité est brouillée. Bravo.

Wilfried Renaut – Juste au cas où

Résumé :

Un grand-père, Luděk, raconte à son petit-fils Štěpán (qui ne parvient pas à dormir à cause d’un cauchemar et d’une bête inconnue qui l’aurait mordu) l’étrange histoire d’une école réserver aux garçons et d’un jeune homme au teint olivâtre…

Mon avis :

J’adore les histoires de ce style, avec un récit enchâssé qui fait écho à ce qui se passe dans le récit-cadre. Une belle et terrifiante explication de l’origine de l’absinthe.

Émilie Chevallier Moreux – Brune

Résumé :

Petite conté cruel dans la campagne enchantée, celui de Brune, la jeune fille qui aime danser au petit matin, et de Lidoire, le « gentil » faune.

Mon avis :

Le début fait très conté, j’aime beaucoup les images qu’il évoque (notamment celles d’une fin de nuit dans la campagne, au bord de l’eau). Coup de cœur.

Geoffrey Legrand – Les illusions de Cyprien Einsenberg

Résumé :

Écrasé par l’aura de son père et la réussite de son frère, il suffit d’un verre d’absinthe pour soulever un vent de révolte dans l’esprit du jeune Cyprien.

Mon avis :

Le steampunk n’est pas un genre que j’affectionne, mais les descriptions représentent avec brio l’univers de cuivre et de vapeur. Une petite histoire de famille sordide.

Amaryan – Fantômes de glace

Résumé :

Un empathe s’apprête à entrer en contact avec la seule forme de vie de notre galaxie restée cachée.

Mon avis :

Une nouvelle de SF. Je n’ai pas su déterminer si c’était un narrateur ou une narratrice qui racontait l’histoire, ce qui est parfait car c’est un être qui se glisse dans l’esprit de tous les êtres, qui n’a sans doute pas de genre bien défini.

Je trouve une beauté et une poésie dans les descriptions, une grande douceur dans les mots. On flotte avec le narrateur dans l’espace.

Cette histoire me fait penser à la nouvelle de Bradbury « À l’ouest d’octobre », notamment lorsque le narrateur décrit les formes de vie dont il a vécu les ressentis.

La présence de l’absinthe est plus diffuse. Elle ressemble à la drogue prise dans la première nouvelle.

Dorian Lake – La fée du réservoir

Résumé :

Sur la route qui le conduit à l’asile, le narrateur, Germain, un tueur en série, entend une petite voix l’appeler. C’est le début de l’épopée de Germain qui, accompagné d’une ombre de fée et d’un écrivain déchu du nom de Baudelaine, va tenter de libérer les fées vertes de l’oppression.

Mon avis :

Humour noir garanti ! J’adore le moment où la fée aspire la cervelle du tueur avec une paille pour lire ses pensées (oui, je suis comme ça). J’ai eu l’impression de plonger dans le monde déjanté de la comédie musicale Moulin Rouge, mais avec encore plus d’absinthe et de gore. Il y a même peut-être une référence à l’auteur dans la liste des victimes du tueur (un certain Dorian, cheveux longs, mais je ne le connais pas assez pour savoir s’il à un petit côté je-sais-tout ^^)

La chute me plaît beaucoup.

Arthur-Coriolan Wilmotte – Le manque toujours

Résumé :

Délire ou réalité ? Nul ne sait qui le narrateur a en tête ni ce qu’il voit quand il parle de « toi ».

Mon avis :

Une nouvelle très courte, hallucinée, un grand verre d’absinthe, bue presque pure. Et la chute, comme un fait exprès, s’enchaîne parfaitement avec la nouvelle suivante.

Sarah Buschmann – L’Absente

Résumé :

Une jeune femme, Clara, est internée en hôpital psychiatrique pour un trouble d’un genre nouveau, qui émerge dans le monde futuriste de cette histoire.

Mon avis :

On retrouve Sarah et ses nouvelles médico-imaginaires. Elle adapte ses connaissances en neurosciences à la littérature de l’imaginaire. J’adore les histoires d’hôpitaux psychiatriques, surtout que celle-ci est bien ficelée. L’écriture brouille les pistes, retranscrit le mal-être (est-ce la voix du robot ou une voix d’origine pathologique que Clara entend ?)

Patrice Quélard – Les Diables noirs

Résumé :

Première Guerre Mondiale. Un gendarme tente d’infiltrer les rangs des diables noirs, terrifiante et mystérieuse unité d’infanterie légère. Ce n’est pas une mission d’espionnage, mais la violence de la guerre qui l’a conduit là. Et il y fera une rencontre pour le moins inattendue

Mon avis :

J’ai toujours du mal à juger les récits historiques car ce n’est pas un genre que j’affectionne. Une histoire très dure, très crue. Le personnage principal, détruit par la guerre, m’a beaucoup intéressée. Les répliques sont cinglantes, les dialogues très bien écrits font mouche. Un tour d’horizon des horreurs de la guerre, avec celles de l’absinthe. Laquelle des deux vous rendra le plus fou ? C’est aussi une histoire de sorcière, on y trouve quelques éléments ésotériques.

Une nouvelle riche, donc, et bien documentée

Audrey Salles – Manuel d’anthropologie botanique

Résumé :

Un jour, la narratrice s’étonne de voir de l’absinthe pousser dans son estomac.

Mon avis :

C’est une nouvelle d’un genre absurde, teintée humour noir. Elle a d’ailleurs beaucoup fait rire l’éditeur !

Je l’ai écrite à partir d’un délire que j’ai eu avec mon ami Simon Lecomte (notez que plusieurs de mes nouvelles partent de délires que je développe avec mon entourage). Je voulais soit troublé, qu’on se demande si on doit rire ou pleurer. J’ai pris diverses inspirations, à la fois dans l’actualité (les vegans VS les carnistes), mais aussi dans des débats plus anciens, comme le procès Bobigny à propos de l’avortement. Le ton que j’ai voulu donner est inspiré des nouvelles fantastiques de Yôko Ogawa, une autrice japonaise que j’adore.

Roland Voegele – Mathilde mon absinthe

Résumé :

Délires d’un poète buveur d’absinthe. Et toujours insaisissable, evanescente, l’image de cette femme, Mathilde, que le poète cherche désespérément après sa disparition.

Mon avis :

Une nouvelle très brève, encore une fois. Elle commence avec une envolée lyrique et décadente. Le style est très travaillé, le vocabulaire riche, j’adore. Une belle plongée dans la folie. Des fragments de poèmes. La voix d’un Autre ? Ou la sienne, déformée par l’alcool vert ?

La chute est attendue, mais j’aime bien quand même. Coup de cœur surtout pour le style d’écriture.

Cécile Pommereau – Elisabeth

Résumé :

Une fée verte apparaît à Laurent, en pleine dépression suite à la perte d’un travail. Et cette fée est bien décidée à le secouer.

Mon avis :

Retour de l’humour noir. Cette nouvelle m’a beaucoup fait rire. La fée est bien loin des clichés mignons et sucrés (en même temps c’est la fée de l’absinthe). J’ai moins aimé la fin, mais la chute m’a plu.

Please stand by

Résumé :

Un ghostwriter qui travaille pour des humoristes s’adresse au lecteur pour lui parler de sa vie, de ses problèmes, de son ennui qu’il noie dans l’absinthe. Un monologue cynique et amer entrecoupé par de mystérieuses indications du temps restant.

Mon avis :

Le mystère autour de cet homme, qui se décrit comme banalissime. Ces indications temporelles lancées par on-ne-sait-qui on-ne-sait-pourquoi. Quel plaisir de découvrir la fin ! Encore un coup de cœur !

CONCLUSION 

Une très bonne anthologie, pleine d’humour / humeurs noirs, à savourer comme un bon verre d’absinthe. La fée verte est revisitée à toutes les époques (il est curieux de ne pas avoir plus d’histoires qui se passent au XIXe, mais ça aurait été trop facile) et à toutes les sauces (SF, fantastique, horreur, polar, conte, etc.). Je conseille à tous les amateurs de folie.

Il existe aussi une contre-anthologie, Absinthe Nitouche, dirigée par Philippe-Aurèle Leroux, contenant les textes de tous les auteurs volontaires, mais recalés lors de la sélection de l’anthologie officielle. Ils sont comme ça, chez Noir d’Absinthe : des passionnés et surtout des fous de l’Imaginaire. Pour ça, je suis très fière de faire partie de la NDA Family, comme ils l’appellent maintenant !

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