Box Imaginaire #8 : le couple

Ce mois-ci, pour célébrer la décapitation de Saint Valentin, j’ai envie de trancher des couples.

Sandre

Une femme raconte comment elle en est venue à tuer son nouveau-né parce que son mari ne l’aimait plus.

Long monologue antichronologique d’une femme jouée par un homme qui dissèque sa vie, son mariage, son acte. Le style de Solenn Denis, à la fois poétique et concret, égrenant des phrases au rythme heurtée et des silences éloquents, rend parfaitement la douleur d’une femme sclérosée par le rôle de bonne épouse qu’elle a appris à jouer toute sa vie. Vérolée par les peines et les insatisfactions, elles s’est toujours efforcée de faire bonne figure, de bien présenter, de cacher ses douleurs pour faire survivre son petit mariage de sitcom; quand ce dernier s’effondre, il ne lui reste plus que la rancœur, l’incompréhension, le vide. C’est terrible, c’est éprouvant, bref, lisez-le.

Lettre à celle qui lit mes romances érotiques et qui devrait arrêter tout de suite

Pendant plusieurs années, Camille Emmanuelle a écrit des romances de mauvaise qualité (c’est elle-même qui le dit) dans la veine de 50 Shades of Grey : elle revient sur son expérience.

Voilà un livre à la fois amusant et terrifiant. Amusant parce que les règles que l’autrice devait suivre (scènes de sexes stéréotypées et placées à intervalles réguliers, intrigue résumée à un tableau excel) sont hilarantes dans leur absurdité et leur bêtise. Terrifiant parce que, comme l’analyse très bien Camille Emmanuelle, ces romances assènent un modèle unique et problématique : la femme faible, protégée par (soumise à) un homme puissant et riche qui va l’éduquer sexuellement. L’hétéronormativité au service du patriarcat et du capital, dans un style pauvre, faisant étalage d’un glamour superficiel et fuyant la diversité.

Le livre est aussi très intéressant pour les jeunes auteurs puisqu’il permet de mettre des mots précis sur des défauts d’écriture qui, sans ça, sont plus difficilement repérables.

Ni seuls, ni ensemble

Louise et Karim s’aiment, se mettent en couple, et commencent à prévoir leur futur. Mais ils n’ont pas les mêmes projets.

Un livre qui pourrait s’appeler « orgueil et préjugés » si le titre n’était pas déjà pris. Dans un style léger et réjouissant (avec, par exemple, une comparaison entre les préparatifs de mariage et Cthulhu) et avec beaucoup d’ironie, Marie-Fleur Albecker met en scène l’échec du dialogue qui conduit deux jeunes gens amoureux à s’enfermer dans un mode de vie qui ne satisfait ni l’un ni l’autre. Le problème des personnages, c’est qu’ils sont conditionnés par des préjugés culturels avec lesquels ils ont du mal à prendre du recul. Résultat : ils font ce qu’ils pensent que l’on attend d’eux plutôt que de se préoccuper de ce qu’ils veulent vraiment, et sans consulter l’autre, qui a des projets différents. C’est très drôle mais aussi férocement grinçant.

Sunstone

Lisa aime être soumise dans des jeux BDSM, Ally aime dominer. Elles se rencontrent pour assouvir leur passion, et commencent à développer des sentiments l’une pour l’autre.

Un des comics les plus enthousiasmants que j’ai pu lire. Stjepan Seijic excelle dans l’analyse des sentiments des personnages et dans la manière dont le BDSM traduit, révèle ou fait naître émotions et questionnements. Le tout est retranscrit avec beaucoup d’humour, de tendresse et de sincérité. Il ne s’agit pas de proposer un récit grandiose ou tragique de l’amour, comme dans la plupart des histoires, mais une relation réelle, faite de petits riens et de menus échecs (comme vouloir faire bonne impression au premier rendez-vous ais devoir aller aux toilettes) qui fait naître un rire complice et donne de la crédibilité à cette romance. Pour ne rien gâcher, les dessins sont très jolis et mettent à l’honneur tenues et accessoires BDSM.

Why Women kill (saison 1)

Trois meurtres à trois époques différentes (1960, 1980, 2019) ont eu lieu dans la même maison. La série revient sur les événements qui ont précédé.

Je vais faire un aveu. Contrairement au discours actuel qui voudrait que les séries soient, aujourd’hui, plus intéressantes que les films, j’ai tendance à trouver qu’elles diluent un récit qui aurait mérité plus de nervosité et que l’on « perd » beaucoup de temps pour un résultat peu satisfaisant. J’ai ainsi pratiquement arrêté de consommer des séries, ne faisant que quelques tentatives ponctuelles si le projet m’emballait vraiment. Or, malgré toutes ces réticences, j’ai adoré la première saison de why women kill (je n’ai pas vu la deuxième).

J’aime énormément le procédé qui consiste à annoncer un drame avant de revenir sur ses causes. Je trouve que ça rend plus alerte, que ça nous rend plus sensible aux aspérités du récit. J’aime aussi beaucoup le cadre des banlieues pavillonnaires des années soixante pour parler du sexisme, l’opposition entre un univers très propre, coloré, satisfait et un sexisme ordinaire qui crève nos yeux de modernes, sans pour autant se manifester de manière hostile. Ajoutez à cela des dialogues au cordeau, des personnages justes et émouvants et quelques partis pris de mise en scène intéressants, et vous comprendrez comment cette série a pu me séduire.

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